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La Maison à la porte RENAISSANCE du 19 rue des Capucins.

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Édifiée dans l’enceinte fortifiée du bourg castral de PUY L’ÉVÊQUE, elle est un symbole fort des maisons bourgeoises d’antan.



Tous nos remerciements à Nils ANKARCRONA qui a permis à notre association : “Puy L’Évêque - Patrimoine” d’y guider la visite durant les journées du Patrimoine 2023.

La visite, sur réservation, fut partielle du fait que la maison est privée. Son propriétaire actuel, l’architecte suédois Nils ANKARCRONA a accepté de nous en montrer une grande partie. Certaines pièces étaient fermées comme le grenier et les caves, d’autres ouvertes et d’autres visibles sans en avoir accès.

Cette maison, Nils ANKARCRONA l’a acquise en 1979-1980 alors qu’elle était dans un état médiocre. Lui rendre son charme d’antan était son objectif. Il le réalisa avec l’aide d’un maçon consciencieux et respectueux du Patrimoine local. La décoration intérieure accentue l’illusion du visiteur de rentrer dans l’intimité d’une famille aisée d’autrefois.

Nils ANKARCRONA a aménagé une galerie d’art dans une partie de cette maison. Il l’a appelée “La Carrée”, inspiré par la forme de sa base : 17 m x 17 m. Elle est ouverte en période estivale.

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Les Sources :

  • Jacques MAYSSALPUY L’ÉVÊQUE, Découverte et mémoire de mon village – Mai 2010
  • Jean LARTIGAUTPUY L’ÉVÊQUE au Moyen Age
  • La cité de l’Architecture et du Patrimoine – Enrichissements et Ornements dans l’architecture de la Renaissance française
  • Fabien CADOT : Inventaire du patrimoine bâti - SYNTHESE réalisée en Août 2020
  • Chanoine Eugène SOL, le vieux Quercy, usages anciens
  • Les archives du Lot et de Dordogne
  • Université de Toulouse – Master Patrimoine 2008 : Vivre avec Le LOT

Photos anciennes de la maison fournies par Nils ANKARCRONA


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Contexte historique.

1. Jusqu’en 1227 :

La vieille ville de PUY L’ÉVÊQUE a été construite sur un puy : un cône rocheux naturel en bordure du Lot : une situation fort intéressante pour qui pouvait anticiper l’intérêt commercial de la rivère Lot.

Comme le dit Jean LARTIGAUT, historien médiéviste (1925-2004) : « On conçoit fort bien qu’un puissant ait édifié un château-tour en haut de ce puy, pour surveiller le passage sur la rivière et en tirer profit ». Ce puissant fut le Comte-évêque de Cahors : Guillaume de CARDAILLAC :

Guillaume IV de CARDAILLAC, évêque de CAHORS de 1208 à 1234, fut un illustre militaire ecclésiastique. Il vécut environ 63 ans.

• De 1209 à 1213, en fournissant des troupes, Guillaume de CARDAILLAC participa à la 1ère croisade contre les Albigeois menée par Simon de MONTFORT, un chef militaire de réputation sanguinaire, envoyé par le Pape pour éradiquer l’hérésie.

En 1211, Guillaume de CARDAILLAC quitta l’armée des Croisées. Comte de Cahors, il fit allégeance au roi de France Philippe AUGUSTE et devint son vassal.


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En 1215, le Concile de Latran IV confia aux évêques la recherche des Cathares.

En 1219, un document atteste que Guillaume de CARDAILLAC passa un accord avec les consuls administrateurs des villes concernées pour créer un chenal de navigation de CAHORS à FUMEL en prenant en charge les aménagements nécessaires. Les chaussées ont été les 1ères constructions lancées par l’homme sur l’eau pour rompre la pente, obligeant les bateaux à emprunter des passelis moyennant péage. (Les passelis sont des brèches dans les chaussées permettant de les franchir. Les écluses sont apparues dans le Lot au XVIIe siècle sous l’action de Louis XIV et de Colbert.)

En 1225, avec Louis VIII, Guillaume de CARDAILLAC participa à la 2ème croisade et s’empara de LUZECH et de PUY L’ÉVÊQUE au détriment du Comte Raimond VII de Toulouse, favorable au catharisme. Il intégra ces deux fiefs au comté de CAHORS.

Le fief de PUY L’ÉVÊQUE fut ainsi confisqué à la seigneurie YCHIER DEL PECH dont la famille resta propriétaire du château Lychairie jusqu’au milieu du XVIe siècle.

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La France en 1226 peu après la mort du roi Philippe Auguste

1 : Domaine royal en 1226 -
2 : Fiefs mouvants de la couronne -
3 : Possessions anglaises -
4 : Seigneurie appartenant à l’Église -

En 1226, Guillaume de CARDAILLAC fonda à CAHORS le couvent des dominicains nommés « Inquisiteurs » pour éradiquer complètement le catharisme.

En 1227, une bulle du pape Grégoire IX confirma la connexion de PUY L’ÉVÊQUE au comté de Cahors. Dès lors, PUY L’ÉVÊQUE entra dans l’histoire écrite.

Dans le système féodal, beaucoup d’évêques, grands propriétaires fonciers étaient comtes de leur ville épiscopale. Ils se comportaient comme tout autre seigneur ou souverain en exerçant le pouvoir administratif et judiciaire de leur comté. En plus, ils exerçaient les pouvoirs temporels (qui concernent les biens de l’Église) et spirituels (qui concernent les âmes).



2. Dès 1227, les évêques de Cahors développèrent PUY L’ÉVÊQUE.

PUY L’ÉVÊQUE occupait un point stratégique. La cale se développa donc et devint un important port de commerce où transitèrent minerais, bois, vin, et autres denrées …

La ville fut construite selon un plan radioconcentrique :

  • 3 rues parallèles en arcs de cercle sur ce cône, (nommées boulvards dans les grandes villes), le long desquelles vont s’organiser les quartiers : la rue des Clédelles, la rue des Capucins et la rue Bovila,
  • et pour relier directement la périphérie au centre : plusieurs ruelles étroites et pentues, (appelées avenues dans les grandes villes).

Ce plan radioconcentrique avait pour but de protéger le château comtal avec sa tour épiscopale, point important au centre et au sommet de ce puy. (la mairie actuelle est construite sur les fondations de ce château). Ainsi, l’habitat s’organisa autour du château et s’étalla jusqu’à la rivière. PUY L’ÉVÊQUE devint ainsi un village castral (construite autour de son chateau) où l’on respecta la hiérarchie ecclésiastique et laïque. (Un village ecclésial se construisait autour de son église).


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Situation de la “Maison Carrée” au Moyen âge :

Elle se situait à proximité de lieux importants :

  1. La place de la Halle qui était « au Moyen Age, le cœur de la ville bourgeoise » a dit Jean LARTIGAUT.

En 1293, cette place de la Halle portait le nom de Al Quassimenier (en rapport avec le travail du fer) - En 1760, elle fut appelée Place del Cassaminié - En 1760, la place comportait déjà une halle.- En 1841, cette place fut réduite avec la construction de la maison MERCIÉ.

  1. la rue Bovila qui était le cœur administratif du bourg et l’emplacement de l’habitat bourgeois jusqu’à la révolution.

  2. La chapelle St Michel.

  3. Puis la Cale qui était le quartier des métiers du temps où la rivière avait une activité importante (jusqu’en 1860- 1870), un quartier dense en population.

La «Maison Carrée» se situait dans l’enceinte fortifiée de PUY L’ÉVÊQUE et Jean LARTIGAUT l’a d’ailleurs considéré comme étant une construction antérieure à 1530.

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  1. Constructions antérieures à 1530
  2. Constructions des XVIe et XVIIe s

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Sa porte d’entrée Renaissance.

Elle fait partie de la signalétique de la visite des “quartiers anciens” de PUY L’ÉVÊQUE.

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Qu’est-ce que la Renaissance ?

Ce mouvement se situe à cheval sur le XVe et XVIe siècle : de 1450 à 1550. Il débute avec le règne de François 1er, roi de France de 1515 à 1547 - (32 ans de règne).

La Renaissance est un mouvement culturel qui a touché les arts, les sciences, la technologie, la philosophie et l’organisation de la société. C’est une «ère de grands progrès idéologiques». Au moyen âge, Dieu était au cœur des pensées. La Renaissance place l’homme au centre de ses préoccupations et crée « les humanistes » : « l’homme est libre et responsable », refuse l’emprise du clergé, tout en restant croyant.


Pourquoi cette appellation “RENAISSANCE” ?

Ce mouvement tourne le dos au Moyen Âge et prend pour modèle l’Antiquité grecque et romaine d’où son nom : “RE-NAISSANCE”.

En France, c’est l’invention de l’imprimerie, au XVe siècle, (en 1450, par Johannes Gutenberg) qui a permis la diffusion des connaissances et a favorisé la propagation de ce mouvement.


Comment se manifeste «la RENAISSANCE» en architecture ?

La mode est au “gothique flamboyant” qui correspond plus à un travail sur les décors qu’à un bouleversement dans les techniques.

  • Les proportions des bâtiments Renaissance sont harmonieuses, combinées avec un désir de symétrie.

  • Les ouvertures comportent des linteaux carrés. On abandonne les voûtes brisées, on abandonne les vitraux, on fait rentrer la lumière à l’intérieur des maisons.

  • Les plafonds s’élèvent avec des poutres parfois croisées pour former des caissons.

  • Les balustres apparaissent.

  • Les armoiries se multiplient, elles ne sont plus réservées à la noblesse mais les collectivités, les villes ou les corps de métiers veulent posséder les leurs.

  • Et l’ornement devient important.


L’ornement :

On pense que l’ornement donne du «caractère» à un bâtiment et qu’il est indispensable à sa beauté. Grâce à l’ornement, un propriétaire se distingue des autres… et peut montrer sa réussite financière.

On trouve l’ornement partout : dans l’environnement urbain (façades, ponts), dans l’environnement religieux et dans les espaces privés : à l’entrée des maisons, sur les boiseries, les cheminées, le mobilier, les draperies … et même sur les objets du quotidien : vaisselle, candélabres…

Cet ornement est toujours en accord avec le lieu où il est destiné et avec le désir ostentatoire du commanditaire. Un vaste répertoire ornemental se crée, inspiré des motifs décoratifs gréco-romains.

Un grand intérêt est accordé au monde

  • végétal,
  • animal
  • hybride : mi-humain mi-animal appelé “grotesque”. Ces personnages peuvent être effrayants ; ils ont une fonction apotropaïque (qui sert à conjurer le mauvais sort), à détourner les influences maléfiques. (= le fer à cheval dans une époque plus récente).

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Description de la porte RENAISSANCE.

De Jacques MAYSSAL :

« Porte encadrée de bâtons écotés qui sont très courants dans l’ornementation quercynoise à la Renaissance. Ces bâtons sont terminés à leur base par une représentation animale. En 2008, un maçon d’art local a restauré cette ouverture endommagée par le caractère gélif de la pierre d’après une photo prise en 1900. Les parties restaurées ont été recouvertes d’un durcisseur de surface. »

  • Le bâton écoté (fin XVe, début XVIe s) symbolise en principe “l’arbre de vie” qui avait la réputation « de guérir de la maladie ou tout au moins de s’en protéger en éloignant les esprits maléfiques ».

  • L’oiseau au bec crochu : un aigle : symbole de vitalité et de puissance qui vole très haut, près du ciel et de Dieu. Certains y voient une main terminant la queue de l’oiseau, serait-ce un signe des compagnons? disent-ils!

  • La salamandre, emblème de François 1er – Roi de France de 1515 à 1547 - Animal magique et légendaire qui vit aussi bien sur terre que dans l’eau et auquel on attribuait la faculté de résister aux flammes : la salamandre hiberne souvent dans les souches d’arbres qui peuvent servir de bois de chauffage. Réveillée par la chaleur du feu, elle jaillit effectivement des flammes.

  • Au-dessus de la porte, un tableau représentant 2 anges portant un écusson : Les anges sont des créatures fantastiques avec une apparence humaine et des ailes qui les relient au monde animal. Ce sont des êtres asexués, intermédiaires entre Dieu et les hommes. Ces anges portent un écusson.


image2, Aigle - image2, Salamandre - image2, Anges


A noter, sur la maison mitoyenne, ce même écusson a été scellé à l’envers en 1868, ce serait une pierre de remploi. On aura l’occasion de revoir cet écusson dans la maison.

D’une façon globale, on peut dire que le propriétaire commanditaire de cet ornement vivait dans l’aisance et désirait le montrer, qu’il était favorable au roi, croyant et attentionné, bienveillant et protecteur vis à vis de sa famille et de ses hôtes.


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Les bases des piédroits de la porte :

A PUY L’ÉVÊQUE, plusieurs bâtisses présentent ces mêmes sculptures sur l’encadrement de leur porte d’entrée qui sont en quelque sorte la signature d’une époque correspondant à la fin du XVe s. Toutes ces portes s’ouvraient vers l’intérieur de demeures cossues d’aristocrates ou de bourgeois. Naturellement, l’église a bénéficié de ce privilige.

image2, Beauregard - image2, Théron - image2, Capucins - image2, Bovila

Les portes:

du château Beauregard - rue du Théron - rue des Capucins - du château Bovila


A noter que les portes de la tour du château Beauregard et de la maison de la rue du Théron étaient, elles aussi, surmontées d’une pierre sculptée mais hélas, leurs motifs ont souffert au point de ne plus être visibles.


image2, Presbytère - image2, Bateliers - image2, église - image2, Tourelle

Les portes :

de l’ancien presbytère - rue des bateliers - de l’église - de la tourelle de l’église.


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Description globale de la “Maison Carrée”.

Cette maison est imposante, 17 m x 17 m, une superficie inenvisageable au niveau de la rue Bovila.

Elle possède un grand jardin avec 2 hangars et elle présente 5 niveaux :

• 2 niveaux des caves dont 1 au niveau du jardin.

• Le rez-de-chaussée : rue des Capucins

• Le 1er étage : lieu d’habitation

• Le dernier niveau : le grenier fut autrefois un grenier-pigeonnier comme il en a existé beaucoup à PUY L’ÉVÊQUE.



Le plan cadastral napoléonien a été établi à PUY L’ÉVÊQUE en 1837, (en France de 1807 à 1842).

C’est un plan parcellaire établi avec précision qui tenait compte de la nature des biens puisqu’il fut créé dans le but d’imposer équitablement les citoyens.

Il a succédé aux “compoix” dans les régions françaises de langue occitane du XIVe s au XVIIIe siècle. Ce registre-là recensait les biens soumis à la « taille », listant pour chaque propriétaire l’ensemble de ses biens. Au milieu du Moyen Âge, la taille était une taxe arbitraire prélevée par le seigneur sur ses paysans en échange de sa «protection»


image2, PlanN - image2, PlanC

Plan cadastral napoléonien de Archives départementales du Lot et plan cadastral actuel .


Le plan napoléonien nous donne plusieurs renseignements :

  • Il existait 2 numéros de parcelles dans la «Maison Carrée». La plus grande des parcelles possèdait 2 jardins et 2 hangars : indications données par les flèches.

  • Un bâtiment occupait la “place de Cardaillac” actuelle.

  • La rue de la cale n’existait pas encore: elle fut percée en 1860 en empiétant sur une petite partie du jardin de la «Maison Carrée».

Autrefois, dans les villes fortifiées donc fermées, il fallait se partager les m2 au sol et par conséquent, les constructions s’élevaient sur plusieurs étages. Étonnamant, cette maison possédait déjà une belle superficie de base et une surface conséquente de jardin qu’elle a quasiment réussi à préserver au fil du temps, grâce certainement à ses caves. On reviendra sur ce sujet.

Nous rentrons dans une “maison bourgeoise” qui a été probablement construite ou reconstruite à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle sur les bases d’un bâtiment ancien. Elle a subi de nombreux remaniements.


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LE REZ - DE – CHAUSSÉE

  1. L’entrée

Cette maison a été construite avec une matière première abondante dans la région : la pierre. Le propriétaire actuel l’a restaurée avec l’aide d’un maçon qui a respecté la beauté originelle de ce lieu :

  • Suppression de nombreuses cloisons qui avaient pour but de morceler cette maison en plusieurs logements et chaque logement en plusieurs pièces.

  • Murs en pierres apparentes et jointées quand leur facture le permettait.

  • Les murs de moins bonne facture ont été recouverts d’un enduit à base de sable dont la teinte a été réalisée avec de la terre naturelle locale.

  • Plafond avec des poutres apparentes décapées - d’une hauteur normale -

  • Sol en galets de rivière joliment disposés, ayant juste subi un ragréage pour le confort des pieds. Au moyen âge, les galets de rivière servaient fréquemment pour le pavage des caves, des cours ou des rues.

  • 7 cheminées, toutes en état de fonctionnement, sont réparties dans les pièces à vivre et dans les chambres de cette maison.

  • Mise à jour de plusieurs alcôves ou niches.

L’une de ces alcôves, au niveau du palier du rez-de-chaussée, est surmontée d’une date 1662 et de deux initiales E et I, non identifiées à ce jour. Cette maison aurait-elle subit un remaniment lors de l’installation de E et de I?

Le fait qu’une alcôve en forme d’encadrement de porte, soit présente sur chacun des paliers, au niveau du mur sud, laisse supposer l’existence d’un ancien escalier. D’ailleurs, un arrachement encore bien visible sur la façade extérieure confirmerait cette hypothèse. S’agissait il d’une tour ? ronde ou carrée ?

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Le plan napoléonien de 1837 ne montre pas ce supposé escalier. Peut-être faisait-il partie des remaniements effectués entre 1662 et 1669, dates gravées sur la pierre dont la 1ère figure au rez-de-chaussée, comme signalé précédemment.


  1. La cuisine d’en bas

Spacieuse et claire, elle est agréablement aménagée, pourvue d’une grande table accueillante et d’une cheminée.

De là, un accès à un cabinet de toilette : peut-être d’anciennes latrines en encorbellement transformées en logette (extension en encorbellement sur 1 niveau - un oriel est similaire mais s’étend sur plusieurs niveaux).

Cet encorbellement ne figure ni sur le plan napoléonien de 1837, ni sur le dessin de Anatole de ROUMÉJOUX réalisé en 1872.


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Périgueux, Médiathèque Pierre Fanlac. Dessin de Anatole de ROUMÉJOUX réalisé en 1872.

(Anatole de ROUMÉJOUX fut le président de la société historique et archéologique du Périgord de 1893- à 1902).



La cage d’escaliers

Elle est remarquable en de nombreux points :

  • La cage est englobée dans la bâtisse tout en étant ouverte vers l’extérieur. Elle est constituée de 2 rampes séparées par un mur de refend aux larges marches engagées dans les murs. La facture de ses larges marches change selon les niveaux : nettement plus usée aux étages inférieurs qu’aux étages supérieurs.

  • Chaque rampe accède à un ½ niveau constitué d’un grand palier. Les paliers qui ne sont pas dallés sont recouverts de galets artistiquement assemblés.

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  • Les 2 paliers qui jouxtent le mur extérieur offrent de grandes baies apportant de la lumière, de l’agrément et du charme à cette maison :

    . Le palier du dessus est assimilable à une loggia (balcon couvert et fermé sur les côtés), munie de balustres (d’époque Renaissance) et surmontés d’une voûte en anse de panier. (demi-cercle aplati)

    . Le palier du dessous comprend 2 grandes baies cintrées.


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  • Les voûtes en pierre de l’escalier entre les 2 niveaux de caves sont remarquables par la nature de la pierre utilisée, légère et solide, mais aussi par la perfection de leur assemblage.

  • Une date sur le palier de la loggia : 1669 indiquerait-elle celle d’un autre remaniement ou la fin des travaux engagés 7 ans plus tôt ?

Elle est suivie des 2 initiales : E et I séparées par un cœur. Les 7 années séparant les remaniements n’ont pas altéré les sentiments entre E et I !


image2, 1662 - image2, 1669



LE 1er ÉTAGE

Toutes les grandes pièces de cette maison, aujourd’hui visibles, étaient morcelées. Les familles vivaient dans de petites pièces plus faciles à chauffer l’hiver.

Il est probable que cette cage d’escaliers existait déjà aux niveaux inférieurs pour donner accès aux caves. On aurait décidé de le prolonger vers les étages à une période ultérieure pour améliorer l’accès aux différents logements.

  1. La Salle à manger :

La taille imposante de la cheminée façonnée dans la pierre locale attire inévitablement les regards. Autrefois, les grandes cheminées représentaient à la fois un élément d’ornementation, une preuve d’aisance et un moyen de chauffage. Ici, en occurrence, elle était un lieu de cuisson fort intéressant puisqu’elle était pourvue d’une rôtissoire avec un gros mécanisme.

Elle alliait “luxe et confort”.


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La cheminée après et avant la restauration.


  • Les piédroits de la cheminée présentent les mêmes sculptures que celles de la porte d’entrée. La date de sa construction se situe donc vers la fin du XVe siècle.

  • Sa hotte est en forme de coffre dans l’alignement du linteau. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XVIe s qu’apparaîssent «les corniches» qui couronnent les hottes.

  • Brisé en 3 segments, le coffre de la cheminée porte les traces de sa restauration réussie.

  • Sur le coffre de la cheminée, un écusson représentant le christogramme : IHS.

Un dragon forme le S qui entrelace les 2 autres lettres. Le dragon est l’emblème de Satan et des forces du mal. Ce dragon a sans doute une fonction apotropaïque : il conjure le sort.

image1, IHS


Du chanoine Eugène SOL dans son ouvrage : “Le vieux Quercy, usages anciens”.

« Un instrument de fer est attaché à un fort crochet scellé dans le mur au milieu de la cheminée. La crémaillère -Lou karma- avec son étrier servait à retenir la marmite au-dessus du feu. De chaque côté de la cheminée, il y a de gros chenets en fer pour soutenir le combustible. Il y a diverses formes de chenets. Ils sont très ornés dans la maison du riche. On frappe et tourmente les tisons avec une pelle à feu en fer -lo risco -et les pincettes, on souffle le feu avec le soufflet. Il n’est pas rare de trouver dans un coin de l’âtre de la cheminée une espèce de coffre en bois où on entrepose une grande provision de sel. Dans l’autre coin de l’âtre, il y a un petit banc destiné aux enfants et aux personnes âgées, en hiver. »

  • Dans l’angle de la pièce, une lucarne apporte la lumière naturelle à un petit évier taillé dans la pierre. Une tablette à proximité servait à poser la lampe à huile en périodes nocturnes. L’évacuation de l’évier est actuellement obstruée.

  • Par la fenêtre, on peut admirer une haute peinture murale sur le mur d’en face : le propriétaire a voulu rendre hommage à un peintre français qui a excercé son talent en Suède en transposant une de ses oeuvres à PUY L’ÉVÊQUE : joli symbole !

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Le haut de la peinture murale et le bas avec son texte explicatif rédigé par Nils ANKARCRONA.


  1. Le salon bibliothèque-réception.

Il était lui aussi divisé en 2 pièces pourvues chacune d’une cheminée : le plancher présente deux motifs différents.

  • Le “premier salon” possèdait une bibliothèque qui fut cédée avec la maison. Il devait correspondre au bureau de Monsieur.

  • Le “deuxième salon”" devait être davantage réservé à Madame pour lui permettre de recevoir ses amies ou de s’adonner à ses loisirs : (peinture, broderie ou autre…)

  • Une porte étroite permet l’accès au balcon surplombant la logette.


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Descente jusqu’au jardin en admirant la facture de la cage d’escalier.

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DU JARDIN, vue sur la façade Ouest :

  • La porte d’accès au jardin a été réduite. La belle arcade en anse de panier est encore visible mais l’ouverture est partiellement comblée . Cet aménagement a certainement été réalisé lorsque l’activité commerciale a cessé à la fin du XIXe siècle annihilant l’usage des caves.

  • On peut apercevoir l’arrachement sur le côté du mur sud de cette façade suite à la démolition du supposé escalier mentionné auparavant.

  • La loggia et les 2 ouvertures en arcades du dessous allègent la façade et forment un ensemble attrayant visuellement. On imagine commme il pourrait être agréable, par beau temps, de passer un moment, soit sur un palier, soit sur l’autre … …selon la température du moment, tout comme le ferait naturellement un chat.

  • La logette en saillie et à proximité des loggias est remarquable :

. Elle est surmontée d’un balcon en surplomb pourvu d’un garde-fou en fer forgé que le propriétaire actuel a fait rehausser pour des raisons de sécurité, sans le dénaturer.

. 3 fenestrous, 1 sur chaque face, éclairent et aèrent le cabinet de toilette.

. Elle est recouverte d’un enduit qui masque sa facture en briques.

. A sa base, elle présente un simple mais néanmoins superbe «cul-de-lampe».

Cette extension en encorbellement a été construite après 1832 car elle ne figure pas sur le croquis de Anatole ROUMEJOUX.


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La logette en 2023 et en 1988.


Au printemps, quelques rosiers grimpants et autres variétés de plantes égaient admirablement les murs. Leurs magnifiques fleurs aux couleurs éclatantes ravissent le regard des passants.


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PUITS ET CITERNES

L’accès à l’eau devait se faire depuis les caves car le propriétaire actuel a repéré une pierre taillée qui laisse supposer le passage vertical d’une corde ou d’une chaine vers un puits ou une citerne aujourd’hui disparu(e), obstrué(e).


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LES CAVES.

Les caves, le hangar et le jardin figuraient sur les registres du plan parcellaire napoléonien de 1837. Une bonne partie de ces caves est voûtée.

1ère fonction des caves : conservation et stockage.

  • Enterrées, sombres et fraiches, elles servaient à stocker les denrées commerciales ou à entreposer les provisions de la maisonnée.

  • Au Moyen-âge, les caves existaient dans les zones urbaines surtout dans les villes où le commerce et l’artisanat étaient dynamiques et c’était le cas à PUY L’ÉVÊQUE. Situées entre la cale et la halle médiévale, elles ont dû amplement participer à l’activité commerciale, servant de lieu d’exposition, de transaction et de vente. Elles devaient être des entrepôts notamment pour le vin qui faisait l’objet d’un important négoce. A noter que la technique du vieillissement du vin en tonneau n’existait pas à cette époque.

  • Elles étaient voutées ou recouvertes d’un plancher.

  • Les caves pouvaient être louées indépendamment des logements.

  • Il était alors courant de construire un petit appentis, comme dans le cas présent, pour abriter les caves des regards, car, durant la journée, elles étaient ouvertes pour apporter de l’éclairage et de la ventilation.

  • Notons qu’une des caves donnait accès à une autre située sous la rue des Capucins. La porte encore visible est aujourd’hui murée et la cave attenante comblée. Preuve qu’il existait des communications souterraines entres les propriétés. Les caves constituaient en quelque sorte, un réseau sousterrain.

2ème fonction : isolation :

  • Les caves étaient construites accolées au rocher. Elles préservaient les étages supérieurs et notamment les pièces d’habitation de l’humidité et assuraient une isolation thermique.

3ème fonction : Les caves conditionnaient l’architecture de la maison :

  • Les caves servaient aussi de fondations à la maison qui allait s’élever au-dessus. Dans le cas de caves voûtées, les poussées exercées sur les murs sont contenues par le berceau même si le substrat est de mauvaise qualité. Les parois de la cave s’apparentent à de véritables fondations sur arcs.

  • Une cave voûtée en plein cintre était une garantie contre les incendies et les vols. Les caves sont en effet moins sujettes aux destructions que les élévations.

  • Une voûte évite l’utilisation de longues poutres pour soutenir le plancher au-dessus.

  • Une cave voûtée était un signe de sécurité mais aussi de “PRESTIGE”.


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Ici se termine la visite !



Voici des documents exposés sur les tables du rez-de-chaussée et de l’étage pendant la visite :

1. Photos anciennes :

Plusieurs photos prises par Nils ANKARCRONA avant et pendant les travaux de restauration permettent de quantifier et apprécier les travaux de rénovation effectués. Certaines ont été insérées dans ce descriptif.

image2, FondNils - image2, Restauration

2. Liste des propriétaires de cette maison entre 1837 et 1932.

Les propriétaires entre 1837 et 1932 se partageaient les caves, le rez de chaussée, l’étage et l’actuelle galerie : la Carrée. Se référer au plan napoléonnien qui a permis de réaliser cette recherche aux Archives départementales du Lot.

En ce qui concerne la période antérieure à 1837, la recherche est inenvisageable d’une part à cause de la langue et d’autre part à cause de la conception des registres.


image2, Proprios


Nils ANKARCRONA a acheté cette maison à Mme BERSEGOL, née SOUILLAC, mentionnée sur la liste. Mme BERSEGOL était originaire de Vire Sur Lot, elle a été propriétaire d’un vignoble appelé aujourd’hui : “Château Nozières” bien avant que les propriétaires actuels n’en deviennent acquéreurs.

Personnalité du Dr DEMEAUX.

Parmi eux, un propriétaire : le Dr DEMEAUX fut suffisamment important pour en signaler sa personnalité :

Le Dr DEMEAUX est né en 1815 à Gotoul dans la section d’Yssudel. Il est parti étudier la médecine à Paris en 1834 (19 ans). Il a fait sa thèse d’une grande importance sur les hernies crurales durant laquelle il a acquis une belle réputation chirurgicale.


image1, DEMEAUX

Le Docteur DEMEAUX dans sa bibliothèque. Fonds MAYSSAL.


Des honneurs locaux lui sont accordés :

• Conseiller d’arrondissement de canton,

• Conseiller général en 1862,

• Membre de la Commission départementale,

• Président de la Commission départementale,

• Chevalier de la Légion d’Honneur.


  • Il fut choisi comme médecin par la Compagnie d’Orléans, sur la ligne Libos-Cahors dès que celle-ci fut ouverte.

  • Il sera très influent pour le choix de la 1ère ligne desservant Cahors. Il argumenta avantageusement le projet d’intégration de Cahors à la ligne** Agen–Paris** via **Libos** plutôt que le projet d’une ligne **Paris-Toulouse** via **Capdenac**.

  • Il fut très impliqué dans la recherche de la lutte contre l’infection et la cicatrisation des plaies gangréneuses et des ulcères suppurants. Il finit par mettre au point une émulsion particulièrement efficace à base de coaltar (goudron de houille), de savon et d’alcool ; En 1865, l’acide phénique qui est le composant le plus utile du coaltar, l’a remplacé.

  • Il a été un compatriote du Dr Velpeau connu pour les bandes du même nom.

  • Il était très apprécié par les malades qu’il soignait et qui lui attribuaient une grande confiance.

Cependant il mourut dans la pauvreté à cause de sa générosité et d’un différend avec sa belle-famille de Touzac qui le déshérita.

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image2, 1980-Praneuf

Fonds Praneuf - Carte postale prise peu après 1980 montrant les échaffaudages dressés sur la façade ouest de la “Maison Carrée”.


Cet article est paru dans le journal : “la vie quercynoise” en Novembre 2019.

image2, Nils2019