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Pigeonniers et Pigeons à PUY L'ÉVÊQUE.

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Tant de greniers et de tours attestent encore l’existence ancienne de pigeonniers qu’il est difficile d’imaginer la vie des habitants juste en dessous.

Le patrimoine vernaculaire évoque la vie quotidienne locale d’autrefois mais n’en relate pas les désagréments dérisoires !

Ces pigeonniers sont situés dans les parties hautes : de petites ouvertures reconnaissables entre toutes qui attestent la présence révolue de nombreux élevages de pigeons. Il est même difficile d’imaginer la vie quotidienne des Puy L’Évêquois d’autrefois en présence de cette profusion de volatiles !

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Vue du pont, quelques localisations sont encore visibles, vestiges du passé, elles ont été conservées, restaurées mais obstruées.

Cette carte postale datant de 1908 montre de façon certaine beaucoup plus de pigeonniers.

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Fonds Mayssal.



Grâce à la qualité de leur chair et de leur fiente, les pigeons ont bénéficié de privilèges : un habitat de choix dont l’abondance et la diversité sont caractéristiques des paysages calcaires du Quercy. La rivière Lot au pied de Puy L’ÉVÊQUE était pour eux, un point d’eau pure naturel idéal.

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Vue de la place du rampeau



Sources :

  • Quercy recherche
  • Pigeonniers du Quercy - de Georges DEPEYROT et Frédéric LONTCHO
  • Pigeonniers en Midi-Pyrénées - de Michel LUCIEN
  • Pigeonniers lotois - de François-Antoine DE QUERCY

LES PIGEONS DANS L’HISTOIRE.

  • À l’origine, les pigeons vivaient à l’état sauvage dans des falaises ou des corniches.

  • Il y a 2 millénaires, l’élevage des pigeons est apparu en France, lors de la conquête de la Gaule par César.

  • Du XIIIe siècle à la Révolution, pendant la période royale, les paysans ont réussi à obtenir le droit de posséder un pigeonnier dans le Quercy alors qu’ailleurs en France, l’élevage du pigeon, comme celui des bêtes à cornes, restait un droit féodal, seigneurial. L’élevage du pigeon était l’apanage des « nantis » c’est à dire des nobles, religieux et grands bourgeois.

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Le château de BAR - Hameau de Courbenac en 1902- Fonds Mayssal

Quelques exemples de différences de droits entre les régions : En région parisienne, seuls les propriétaires terriens possédant au moins une centaine d’arpents de terres (50ha) pouvaient espérer pouvoir construire un pigeonnier. En Bretagne et en Normandie, ce droit était réservé uniquement aux nobles.

Si en Quercy, le droit au pigeonnier était plus libre, des règles d’architecture étaient imposées :

  • le pigeonnier ne devait en aucun cas être assimilable à une tour d’usage militaire : pas d’ouvertures en forme de meurtrières, pas de créneaux en son sommet. En quelque sorte, pas d’éléments pouvant évoquer un aspect défensif.

  • la hauteur du pigeonnier ne devait pas être surpérieure au toit de la ferme ou de la bâtisse principale pour les mêmes raisons.

Toutefois, le pigeonnier reste encrore rare au XVe siècle. Peut-être que le besoin en colombine ou fiente de pigeons ne s’était pas encore fait sentir, peut-être qu’il s’est développé en même temps que la vigne !

Posséder un pigeonnier était un complément alimentaire et l’assurance d’un revenu régulier, à condition toutefois que le propriétaire, noble ou non, possède un nombre de pigeons proportionnel à la superficie de ses terres labourables. La taille du pigeonnier était un indicateur de richesse, un symbole de réussite financière : plus le seigneur possédait de terres, plus le pigeonnier était important.

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Le château du CAYROU en 1955 - Fonds Mayssal

Dans certaines régions, les pigeons n’étaient pas enfermés ni pendant les semailles, ni pendant les moissons : le préjudice était aussi grand que le mécontentement des paysans.


  • Durant la Révolution: ce fut un des premiers privilèges abolis : les décrets des 4 et 11 août 1789 ont rétabli l’égalité entre le nord et le sud de la France en ce qui concerne le droit à la construction des pigeonniers.

Ainsi,un pigeonnier est facile à dater : si sa conception fait référence à une tour fortifiée ou si son toit dépasse celui de la ferme, c’est que sa construction est postérieure à la Révolution de 1789. Les pigeonniers datant de 1820-1890 sont majoritaires dans le Quercy.


  • De la révolution jusqu’au début du XXe siècle, de nombreux propriétaires, même ceux dont les revenus étaient modestes, ont construit des pigeonniers, symboles de la liberté, ou ont réservé une place aux pigeons dans leur grenier. Ils devinrent si nombreux qu’une loi dut en limiter le nombre et préciser que les pigeons devaient rester enfermés pendant l’époque des semailles et des moissons : “tout pigeon laissé en liberté durant cette période serait considéré comme gibier et pourrait être chassé”".

Le prix du pigeon équivalait au tiers voire la moitié de celui d’une poule.


  • Dès la fin du XIXe siècle, l’arrivée des engrais chimiques a malheureusement condamné ce mode d’élevage, faute de rentabilité. Les pigeons sont restés et se sont adaptés à la ville. Ils ne sont pas difficiles en matière d’alimentation, nichent dans des endroits improbables et continuent à se reproduire. Cependant, ils sont acteurs de nuisances par leurs fientes et leurs roucoulements.


CARACTÉRISTIQUES DU PIGEON.

1. Description, variétés, spécivités.

  • Le pigeon pèse entre 460 et 570 grammes, avec une envergure de 75 à 80 cm, et une longueur de 40 à 42 cm.

  • Le pigeon est un oiseau granivore. Il se débrouille seul pour trouver sa nourriture même en ville.

  • L’espérance de vie du pigeon pourrait avoisiner les 30 ans mais en milieu rural, sa durée de vie varie entre 5 et 10 ans et en ville, elle se réduit entre 3 ou 7 ans.

  • Le pigeon appartient à la famille des colombidés (ou columbidés) qui regroupe plus de 300 espèces réparties dans le monde : capucin, polonais, carrier, bagadais, cravaté, romain, turc, polonais, boulant cavalier, coquille, culbutant, trempleur, queue de paon, pigeon-hirondelle, tambour, pattu…

Les plus communs ou répandus sont :

• le Mondain ou pigeon de volière ordinaire,

• le Texan, le King, le Carneau, le Hubbell et le Melbrun pour le pigeon de chair en France,

• le pigeon messager ou pigeon voyageur,

• le biset domestique ou le fuyard.

  • Il compte parmi les premiers oiseaux apprivoisés par l’homme.

Sauvage, il est un proche parent des ramiers ou colombins et cousin des tourterelles. Il peut être grisâtre, roux, mais aussi lie de vin avec des taches blanches plus ou moins étendues, voire être totalement blanc et présenter d’élégantes plumes sur les pattes et le haut de la tête.

  • Le pigeon est capable de s’acclimater aux grandes différences de température. Par temps froid, ses plumes de couverture se redressent pour augmenter la couche d’air prisonnière entre le corps et les plumes et créent ainsi une isolation efficace. Les vaisseaux sanguins cutanés au niveau de la tête et des pattes se contractent et entraînent une perte de chaleur moins importante.

Lorsque le pigeon décide de dormir, il se met en boule, enfouit ses pattes sous le plumage ventral et fait disparaître son bec au milieu des plumes de son cou.

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2. Sa reproducion.

Le pigeon est monogame, généralement fidèle bien que séducteur. Seule la disparition d’un partenaire brise un couple. Le survivant décide de prendre ou pas, un nouveau partenaire.

La formation d’un couple : au cours de la parade nuptiale, le mâle arbore un comportement typique : il gonfle le cou, dresse ses plumes, bombe le corps, tourne sur lui-même et émet un roucoulement spécifique. Si le couple se plaît, il se frotte les joues mutuellement pour sceller son union.

La période de reproduction dure 8 mois de janvier à septembre. Une dizaine de jours après l’accouplement, la ponte commence. La femelle présente des ovulations très rapprochées à une fréquence d’environ 1 fois par mois : le pigeon est donc très prolifique, capable de produire jusqu’à 6 à 8 nichées de 2 œufs par an, en moyenne.

Chaque couvée dure 19 jours. Le couple se relaie le jour pour maintenir une température des œufs à 38/39° C. La nuit, c’est la femelle qui reste sur les œufs tandis que le mâle assure sa protection.

Les pigeonneaux naissent nus, aveugles, avec un gros bec mou. Ils sont totalement dépendants de leurs parents. Les petits prennent leur envol dès qu’ils ont atteint l’âge de 1 mois, ils pèsent alors 500 g et peuvent se reproduire 2 mois plus tard.

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3. Son sens de l’orientation.

Le pigeon voyageur est doué d’une importante capacité d’orientation sur une longue distance. Quand on lâche un pigeon loin de son colombier, il s’élève, tourne, puis, dès qu’il a trouvé son orientation, il part droit devant lui comme s’il avait une boussole intégrée dans son cerveau. Il ne s’arrête qu’à la tombée de la nuit pour repartir le lendemain matin aux aurores.

Cette qualité est liée à sa fidélité au colombier, surtout s’il y a laissé sa compagne. Sa fidélité ne s’éteint pas avec le temps.

L’emploi du pigeon comme moyen de communication ou messager paraît remonter à la plus haute antiquité : les marins égyptiens et ceux des côtes grecques auraient annoncé leur retour à leurs familles à l’aide de pigeons voyageurs. Les Romains semblent les avoir utilisés comme messagers en temps de guerre.

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4. Son symbole.

Dans beaucoup de traditions, de cultures et de religions, le pigeon est un symbole très important. Il a une longue histoire d’association avec les dieux, les déesses et les maîtres spirituels dans l’hindouisme, le bouddhisme et le christianisme. Les oiseaux seraient les intercesseurs entre les hommes et les dieux.

Et parce qu’ils se reproduisent rapidement les pigeons sont devenus des symboles sacrés des dieux et déesses de la fécondité.

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5. Un salisseur.

Les oiseaux n’ont qu’une seule issue pour leurs voies reproductrices, digestives et urinaires : le cloaque. Tout est expulsé (urines/fientes) du même endroit au même moment. La partie blanche de leur fiente est leur urine et les parties jaunes ou brunâtres sont leurs matières fécales.

Entendre parfois les roucoulements des pigeons est agréable mais constater les dégâts causés par l’acidité de leurs fientes l’est moins !

Ces oiseaux ont tendance à salir nos jardins, nos toits et nos terrasses. L’accumulation de fientes de pigeons sur les immeubles et autres structures rongent le fer et la pierre. Une fiente laissée quelques heures en plein soleil, peut laisser des marques indélébiles sur la peinture des carrosseries.

Heureusement, il existe de nombreux répulsifs naturels pour les pigeons qui ont un odorat développé.

  • Ils ne supportent pas les épices : une coupelle du curry avec de la cannelle ou du poivre permet de les chasser.

  • Le vinaigre blanc est aussi un bon répulsif naturel contre les pigeons, dilué dans un peu d’eau additionnée de quelques gouttes d’huile essentielle d’eucalyptus.

Les pigeons aiment résider dans les hauteurs. Ils affectionnent les toits et les sous-toits y compris ceux des clochers aux ouvetures pourvues de protections grillagées. Ils sont habiles pour détecter des failles à ces écrans et ré-investir ces lieux.

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Les marches de la tourelle du clocher.



POURQUOI ÉLEVAIT-ON TANT DE PIGEONS ?

1. Pour le coût de l’élevage.

L’élevage du pigeon ne coûtait rien contrairement à celui des poules par exemple. Il picorait et se débrouillait seul pour trouver sa nourriture. Cela créait souvent une source de conflits car les paysans n’appréciaient guère que ces oiseaux viennent piller leur récolte aux semailles et aux moissons ; leur multiplicité les effrayaient. La chasse aux pigeons était interdite en Occitanie et lourdement sanctionnée en cas d’infraction, le pigeon ne faisant pas partie des nuisibles.

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2. Pour sa chair.

Le pigeon était un complément alimentaire non négligeable, il agrémentait beaucoup les repas à une époque où la famine menaçait régulièrement. Sa croissance rapide permettait d’en prélever assez souvent dans ce but. Sa chair est gouteuse avec des arômes fins.

A PUY L’ÉVÊQUE, en novembre 1909, le poulet en grain valait entre 3 et 3,5 Francs et le pigeon entre 1 et 1.25 Franc.

Le pigeon est tué soit en le saignant au cou, soit en l’étouffant dans lequel cas sa chair est plus foncée.

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3. Pour la colombine : sa fiente desséchée.

  1. Un Engrais efficace :

Posséder un ou plusieurs colombiers donnait la possibilité de pouvoir exploiter en toute rentabilité des terres privées de fumure, notre département n’ayant jamais été un département possédant beaucoup de bétail.

Les terres possédées par les seigneurs étaient morcelées en plusieurs métayages, souvent pas assez grands pour nourrir son monde… Ces petites exploitations étaient trop exiguës pour posséder du bétail que les métayers ne pouvaient d’ailleurs pas s’offrir. La « colombine » était donc l’engrais salvateur !

Qui tenait les cordons des sacs de « colombine » tenait la véritable richesse, le véritable pouvoir. La santé d’une propriété se manifestait par “l’élégance” des colombiers !

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Le pigeonnier du château du Cayrou est une tour ronde isolée à 4 niveaux matérialisés par 3 larmiers (ou randières) et coiffée d’un toit conique présentant une lucarne à couverture bombée ornée d’un fronton décoré d’une roue solaire. L’accès au pigeonnier situé au 1er étage s’effectue à l’aide une échelle.


Au moyen-âge, les seigneurs divisaient leurs terres en nombreux métayages. Ces exploitations exiguës n’étaient pas forcément adaptées à l’élevage de bétail. Alors la fiente du pigeon extraite des pigeonniers était la solution miracle pour fertiliser les jardins, les potagers et la vigne.

En 1770 : 20 litres de fiente valaient 5 Francs soit une semaine de salaire pour un ouvrier mineur dans le Lot.

En 1816 en France, d’après les calculs de Jean BOULAINE (1922-2012), spécialiste des sols et historien de l’agronomie française, les apports de fumiers ne couvrent que la moitié des besoins en éléments fertilisants.

À partir du milieu du XIXe siècle, en complément de la fertilisation organique, les engrais chimiques s’imposent pour apporter aux sols des compléments en azote, potasse, acide phosphorique et phosphate de calcium : matières extraites de gisements de roches, éruptives, sédimentaires ou salines.


  • La fiente de pigeon contient environ 3,9% d’azote, 2,6% d’acides phosphorique, 2,1% de potasse et 6% de chaux. A dose trop élevée, elle peut brûler les plantes.

A l’état brut, la forte concentration en azote provoque une croissance exubérante des plantes au détriment de la floraison et une moins bonne résistance des végétaux par rapport aux maladies.

  • Un pigeon adulte produit environ 12 kg de fiente par an.

  • 5 kg de colombine équivalent à 100 kg de fumier.

  • La colombine ou fiente de pigeon séchée agit efficacement, rapidement et son action est durable sur le long terme. Elle est un engrais très riche et à action rapide. On la laisse d’abord se réduire en poussière dans un endroit abrité du soleil et de la pluie puis on l’incorpore au sol, au plus tard 1 mois avant de semer ou de planter, à raison de de 500 g à 1 kg /m2.

  • Elle peut être aussi utilisée pour l’arrosage après macération durant quelques jours dans de l’eau de pluie, à raison de 1 kg pour 25 litres d’eau.

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  1. Un cosmétique :
  • En 1582, le médecin Jean Liébault (1535-1596), auteur de « Trois livres de l’embellissement et ornement du corps » a donné une recette qui concerne la fiente de pigeon : « dissoute en eau de rose musquée et camphorée est fort propre pour en faire un liniment au soir sur le visage, puis le laver d’eau de nénuphar le matin. »

  • Actuellement, les instituts de beauté les plus huppés du monde utilisent des soins du visage à base d’excréments de pigeons : une poudre de fiente de pigeons mélangée à une eau parfumée comme l’eau de rose forment une pâte qui est appliquée sur le visage pour ralentir et effacer les signes de l’âge, illuminer et hydrater la peau. Un soin dont le coût est non négligeable!

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4. Pour ses plumes.

Les plumes stérilisées dans un four à chaleur sèche étaient ensuite vendues : un autre intérêt économique !

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LES MÉFAITS DU PIGEON.

En 1628, on a désigné le pigeon comme un vecteur de maladies contagieuses comme la peste.

Il est actuellement reconnu que la fiente de pigeon peut transmettre plusieurs maladies (chlamidiose, salmonellose, cryptococcose, maladie de Newcastle, grippe aviaire). La poussière de leurs déjections contient une bactérie qui inhalée, peut provoquer une infection pulmonaire, une pneumopathie atypique souvent sévère.



L’HABITAT DU PIGEON.

Son nom.

Coulon est le nom ancien du pigeon d’où le nom de Colombier* pour désigner son habitat. Mais ***« Pigeonnier » ou « colombier »*** sont employés. Ces termes désignent une extension ou un aménagement de bâtiment dédié exclusivement aux pigeons, construit par l’homme pour loger les pigeons la nuit et pendant les périodes de couvaison.

  • Les pigeonniers pouvaient se situer au-dessus d’un poulailler, d’un chenil, d’une étable, d’une grange, d’un porche ou dans un grenier.

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Pigeonnier-porche à tour carrée d’une maison à Cazes et à Loupiac. Hameaux de Puy l’Évêque.

  • Certains pigeonniers furent construits au milieu des terres d’une propriété à une certaine époque. Ils servaient alors au rez-de-chaussée, de gîte pour les travailleurs des champs qui pouvaient s’y restaurer ou prendre du repos.

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Le pigonnier-restaurant, promenade de Héron - à une inconnue - Fonds Mayssal

  • Les pigeonniers pouvaient s’intégrer aussi dans l’habitation principale. Ainsi, les habitations prirent l’aspect d’un petit château avec l’incorporation à chaque aile ou au centre du bâtiment, d’un pigeonnier tour. L’envol se faisait par une simple lucarne sur le toit ou par quelques trous percés dans une pierre.

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Pigeonnier hexagonal du château Renaissance ou Lychairie basse.



Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) dans son « dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle » donnait cette définition aux pigeonniers : « bâtiments destinés à contenir des troupes de pigeons afin de leur permettre de pondre et de couver des œufs à l’abri des intempéries ».

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« Cahier des charges » pour construire un pigeonnier.

Le cahier des charges du pigeonnier correspond à des règles de sécurité :

  1. Contraintes extérieures :

• les fenêtres d’envols devaient être munies d’orifices calibrés au diamètre exact du pigeon (10 cm). Ainsi, ces trous d’entrée interdisaient l’accès aux prédateurs oiseaux comme les buses ou les chouettes.

• Une plage d’envol servant d’aires d’atterrissage ou d’envol devait être en saillie et orientée sur la façade opposée au vent dominant.

• Une porte devait permettre l’accès au soigneur.

• Des murs devaient être lisses et/ou présenter un larmier : corniche constituée d’un alignement de pierres plates placées en saillie d’une dizaine de centimètres qui ceinture extérieurement les pigeonniers rejetant l’eau de pluies loin du mur. Les pigeons aimaient s’y promener et y prendre le soleil.

• Parfois le pigeonnier était ceint d’une rangée de carreaux de terre cuite vernissée appelée : randière" pour rendre impossible l’accès aux petits prédateurs grimpeurs comme les rats ou les fouines.

• Un volet (souvent intérieur) devait permettre d’enfermer les pigeons lors des semis et ainsi éviter les ravages dans les champs.

• Pas de grands arbres à proximité mais un point d’eau claire.

• Si possible, deux ouvertures opposées devaient assurer un courant d’air, une bonne ventilation et préserver ainsi la salubrité du lieu, le pigeon étant un oiseau délicat.

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  1. Contraintes intérieures :

• L’espace intérieur, conçu pour respecter la vie de couple des pigeons était divisé en nichoirs, appelés boulins comme les cavités laissées par des poutres dans un mur.

Un boulin était attribué par couple, voire trois pour deux couples. Leurs dimensions : profondeur de 30 à 35 cm, largeur de 25 à 30 cm et hauteur de 20 à 25 cm. Ces boulins étaient construits en briques, en poterie ou en pierres non poreuses. Le bois, refuge possible de nombreux parasite, était proscrit.

• La visite des nids et le nettoyage des lieux (recueil de la fiente) devaient être aisés, l’hygiène étant primordiale dans l’élevage du pigeon.

Certains grands pigeonniers de forme cylindrique ou octogonale possédaient une échelle tournante pratique pour accéder aux nids, les nettoyer et récupérer les jeunes pigeons. Un axe vertical placé au milieu du pigeonnier possédait 2 pièces de bois horizontales sur lesquelles venaient se fixer une ou 2 échelles de bois. Le nombre de nids, dans ces conditions, pouvait varier entre 800 et 2 600.

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Certains toits, avant ou après la révolution, ont été surélevés pour y aménager le pigeonnier rendant plus aisée la surveillance des pigeons et le nettoyage des lieux.

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Le pigeonnier-grenier d’une grosse bâtisse dans le bourg médiéval.

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  1. Les différents styles d’habitat.

Les pigeonniers combinaient maîtrise des techniques traditionnelles de construction, connaissances sur les volatiles et fantaisie des bâtisseurs.

Les réalisations les plus anciennes sont les pigeonniers bâtis sur piles, empêchant ainsi l’accès des prédateurs aux nids. Une partie de ces bâtiments pouvait remplir d’autres fonctions : poulailler, remise, grenier à grains…

Les constructions indépendantes pouvaient donc être sur piliers ou sur arcades, et prendre une forme carrée, rectangulaire, cylindrique ou hexagonale… *

Les bâtis modestes pouvaient présenter du caractère.

  • pigeonniers-tours isolés

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Route des Balmes et Rue Gabriel Nadal.

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  • pigeonnier à tour carrée accolé à la maison,

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Rue du Dr Rouma, la grille d’envol y est bien visible.

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  • pigeonniers-balets,

Le pigeonnier surmonte et protège le palier supérieur de l’escalier d’entrée.

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Sur la route de Vire S/ Lot.

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  • Pigeonniers à la toiture de type :“pied de mulet”: pans avec ressaut.

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Sur la route des Balmes

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  • Le pigeonnier-grenier

En ville, ce pigeonnier est le plus repandu. L’envol se fait par une lucarne située sous le toit ou par quelques trous percés dans la pierre.

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Place de la cale et rue des Capuccins


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Vue de la rue du Fort et de la place du Carmel


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Rue du Fort et Rue Marcouly.


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de la place Mercadial


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Rue du Roulier


  • Les lucarnes sont très présentes sous les toits ou sur les toits de PUY L’ÉVÊQUE, mais elles ne révèlent plus leur usage initial.

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A Courbenac

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Histoire stupéfiante tirée du livre de Michel LUCIEN : Pigeonniers en Midi-Pyrénées :

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Il paraîtrait que l’acide urique de l’urine du pigeon servait aussi à teindre les tissus.



CONCLUSION :

De nos jours, il ne subsiste plus que des pigeons en liberté, avec une grande variabilité de plumage. Ils sont redevenus sauvages et nichent un peu partout, en campagne ou en ville à l’abri du vent et de la pluie : ils se réfugient dans les arbres mais aussi sur les appuis de fenêtres, les gouttières, les toits et dans des endroits improbables : les cheminées, les gares, sous les ponts, …

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Dans l’échauguette de l’église St Sauveur

Ils sont désormais un gêne en ville comme à la campagne. Différents dispositifs visent à limiter leur accroissement car ils sont acteurs de nuisances par leurs fientes et parfois leur roucoulement.

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« Le Patrimoine est une mémoire qu’il faut transmettre aux générations futures » dit le CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement).

Une restauration réussie est basée sur le respect de la construction laissant visible la fonction originelle du lieu et mettant en lumière la qualité du savoir-faire ancestral, l’authenticité et l’histoire du bâti qui peut être destiné à un autre usage, à un autre avenir. Ainsi, aujourd’hui, certains pigeonniers, effigies d’un temps révolu, resplendissent toujours, grâce à leurs propriétaires soucieux d’en préserver la conformité historique !

Cependant “la question” reste ouverte :

Comment faisaient les anciens pour cohabiter avec autant de volatiles ?

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